Le frère Germain Dufour est décédé ce 9 mars 2023 à Vise, à l’âge de 79 ans, après plusieurs années de maladie. Ses obsèques ont été célébrées le dimanche 19 mars à Wasmes-Audemez-Breffoeil. "L’abbé Pierre de Belgique", comme certains aimaient à l’appeler, a profondément marqué la route de nombre de ceux qui l’ont côtoyé. Son souci permanent des personnes exclues, tout comme son action infatigable auprès de ses frères et sœurs de Belgique, prennent racine dans sa foi en Christ et sa vie à la suite de saint François d’Assise. Nous rendons hommage à sa vie de service au sein de l’Ordre des Frères mineurs Capucins.
Marcher à la suite de saint François d’Assise
Frère Germain Dufour est né le 26 juin 1943 dans une famille d’agriculteurs à Wasmes-Audemez-Breffoeil, à l’Ouest de la Belgique. À l’âge de 18 ans, il est bouleversé par un passage de l’Evangile de St Matthieu (25) : "J’étais étranger et vous m’avez accueilli… ". Il décide alors d’entrer au noviciat des Capucins de Mons, le 10 septembre 1961, y prenant le nom de frère Baudouin. Le jeune frère prononce son engagement perpétuel à la suite de saint François d’Assise le 29 novembre 1967, à Louvain, puis est ordonné prêtre trois ans plus tard, le 23 août 1970. "Mon idéal à 18 ans était de rejoindre François d’Assise dans sa rencontre avec l’Islam, dans son souci d’écologie, dans sa proximité aux démunis. Encore aujourd’hui je suis heureux et épanoui d’être – par mes actions et rencontres – un peu son frère liégeois.", témoignait-il d’ailleurs en 2019, auprès de ses frères.
De balayeur à sénateur, au service des plus précaires
Dès 1970, Frère Germain rejoint le quartier défavorié de Pierreuse, de la ville de Liège, où il passera toute sa vie. Prêtre-ouvrier, il travaille en usine puis est engagé comme balayeur, métier qu’il occupe durant 17 années. Avec deux autres de ses frères, il loge dans une petite fraternité près de la Chapelle St Roch, en milieu musulman. C’est ici que frère Germain ouvre une communauté d’entraide, "Espaces fraternels", à destination des personnes SDF et des sans-papiers. Il y séjourne lui-même pour des durées variables, y organisant une vie communautaire en cogestion. Ce lieu sert peu à peu d’accueil pour diverses activités : service de "thermos repas" les mois d’hiver et les weekends, abri de jour et abri de nuit, service de poste, aide juridique, etc.
L’engagement politique
Le souci majeur de Frère Germain a toujours été l’accueil et l’intégration des personnes exclues de la société : les personnes exilés, S.D.F, alcooliques ou encore toxicomanes. Ses prises de positions pour le bien des pauvres, "qu’il faut accueillir tels qu’ils sont et non pas tels que nous voudrions qu’ils soient", demandait-il, sont parfois surprenantes et ne sont pas toujours comprises par son entourage. Elles l’amènent pourtant vers l’engagement politique. En 1988, Frère Germain est élu conseiller communal écologiste, puis député et sénateur, en 1991. Année après année, il milite contre l’exclusions des personnes en précarité, demandant à leur rendre leur pleine dignité. Rencontrant bien des oppositions, il indique trouver réconfort dans les oppositions rencontrées par le Christ lui-même. "Pour des raisons de lutte contre la pauvreté, j’ai rejoint la politique jusqu’au Sénat car les lois sont souvent la matrice de nouvelles exclusions. Cela ne m’a pas fait que des amis chez les chrétiens mais Jésus aussi se compromettait. J’ai pu y donner une autre image de l’Eglise."
Vie pastorale
De 1982 à 1990, Frère Germain Dufour est nommé membre du Conseil provincial des Capucins, jusqu’à la fusion des frères Capucins Belges Wallons avec la Province capucine de Strasbourg. Au début des années 2000, le frère Germain reprend l’animation pastorale durant le week-end (vicaire dominical non rémunéré), dans un petit village près de Tournai, au service d’une communauté de foi et à laquelle il se montre très attaché. Il raconte : "Face au numérique, face au vieillissement, je suis devenu dépendant de mes cohabitants. Cela me maintient dans l’humilité et la patience."
En 2019, alors que chaque frère capucin était invité à s’exprimer sur sa manière d’être missionnaire, Frère Germain écrivait à ses frères : "L’Ordre des Capucins m’a permis mon identité évangélique et je lui en suis reconnaissant. Je mourrai en capucin. L’originalité de l’Ordre, c’est peut-être de donner à chacun des frères le développement de son charisme. Reste la question : comment huiler les relations si différentes ?".