Né le 10 avril 1927 à Cubry (Doubs), Bernard Castalan est entré au noviciat de la Province de Lyon le 13.07.1946 sous le nom de fr. Marc et a fait profession le 14 juillet 1947. Ordonné prêtre le 29.06.1953, il est envoyé à Saint-Étienne (N.D. de Bon Secours). En 1957, il rejoint Besançon dont il est Gardien pendant un triennat. En 1963, il est responsable des frères étudiants en théologie à Clermont-Ferrand. Dès 1966, il part en Corse, d’abord à la fraternité de La Porta, au service des paroisses, puis à celle de Moriani-Plage (catéchèse, CMR et au travail comme livreur de pain). Ministre provincial de la Province de Lyon de 1979 à 1985, il reprend du service à la Dame Blanche de Saint-Etienne pour la formation des postnovices. A partir de 1993, il retourne dans la région lyonnaise, d’abord à La Chardonnière de Francheville avec les confessions aux Cordeliers, puis en 2001 à Bron dont il sera Gardien pendant trois ans et assistant des fraternités de la région. En mars 2010, il devient dépendant et peut intégrer l’EHPAD saint François de la Croix Rousse qui vient d’ouvrir et où il retrouve les FF. Michel Poly et Albin Descombes. Début février, il est hospitalisé à Albigny sur Saône où il s’éteint le 8 février.
Le frère Bernard Castalan a mené une vie riche et intense. Pour la qualifier ; on peut se référer au document conciliaire sur la vie religieuse La rénovation adaptée de la vie religieuse comprend à la fois le retour continu aux sources de toute vie chrétienne ainsi qu’à l’inspiration originelle des instituts et, d’autre part, la correspondance de ceux-ci aux conditions nouvelles d’existence (Perfectae Caritatis 2). Ce texte correspond tout à fait à ce que frère Bernard a cherché et voulu : le retour continu aux sources de toute vie chrétienne, la Bible et particulièrement l’Évangile. Il était un passionné d’Évangile, pas simplement comme objet d’étude, mais plutôt comme source d’inspiration pour la vie. Il recherchait comment l’Évangile pouvait être vécu aujourd’hui. En fraternité à la Chardonnière, nous faisions de temps en temps des partages d’Évangile. C’était toujours des échanges riches, qui nous obligeaient à toujours plus d’intériorité et d’actualisation. Il rejoint là d’ailleurs saint François dont la règle se résume en ces mots : vivre l’Évangile.
Et puis le retour à l’inspiration originelle de notre ordre, les écrits et la vie de saint François, pour nous capucins. Plutôt que de retour d’ailleurs, il faudrait parler de découverte. Grâce au Concile Vatican II, les sources franciscaines ont été mises à la disposition des frères mais aussi de tous ceux et celles attirés par saint François. Et frère Bernard s’est plongé dans l’étude des textes, là encore pour en vivre et pour aider d’autres à en vivre. De nombreux laïcs franciscains qu’il a accompagnés disent à quel point frère Bernard les a introduits dans l’étude des sources franciscaines et combien il les a aidés à les pénétrer de l’intérieur pour en vivre.
Frère Bernard a été aussi un homme d’aujourd’hui, cherchant à correspondre, comme le Concile y invite, aux conditions nouvelles d’existence. Frère Bernard fait partie de cette génération pour qui les mots "fraternité", "frère" ont retrouvé du sens. Les franciscains de toutes les obédiences, mais peut-être encore plus les capucins, redécouvraient ce que "frère" veut dire et s’efforçaient d’en vivre. C’était l’époque des petites fraternités.et des frères au travail. Frère Bernard a vécu dans plusieurs petites fraternités : en Corse, à Saint-Étienne, à la Chardonnière. Il a exercé des petits boulots, livreur de pain par exemple. C’était l’ouverture au monde, l’ouverture et la proximité avec le voisinage, avec les relations de travail. C’était aussi une approche différente de la pauvreté qui, jusque là, était surtout ascétique. Elle devenait au contact des gens et par le biais du travail, plutôt solidaire. Et frère Bernard retrouvait là, en quelque sorte, son milieu d’origine, sa famille de paysans du Bas Doubs, marquée par des conditions de vie difficiles. La vie religieuse n’est pas une échappatoire, une fuite des réalités. Elle est choix libre et lucide de vivre l’Évangile à la suite du Christ pauvre, à la manière de François et Claire d’Assise. Une pauvreté exigeante.
Et cela ne se faisait pas au détriment de la vie spirituelle. L’oraison, la prière de l’Église, la liturgie demeurait au centre de la vie fraternelle, mais de façon sans doute plus adaptée. Frère Bernard était un homme d’oraison, de prière silencieuse. Il n’a pas sacrifié la vie de prière à la vie missionnaire. Loin de là. Il a été responsable de la formation des jeunes frères, leur rappelant par ses paroles et ses actes la double orientation de notre vie : la contemplation et la mission. Il a été aussi responsable de fraternités, gardien et provincial. Il a été un accompagnateur spirituel auprès de nombreux laïcs, mais aussi de religieuses. Il a été aussi un confesseur, particulièrement à Saint-Bonaventure de Lyon, qu’il a beaucoup aimé. C’est le dernier ministère qu’il a tenu à assurer, même au début de sa maladie.
C’était un frère, un peu rugueux parfois, à l’ironie caustique ; mais il fallait savoir dépasser les apparences pour découvrir le frère sensible, tellement sensible qu’il était souvent incapable de résister aux sollicitations de tous ceux et celles qui avaient découvert en lui cette faculté à donner, à partager.
Frère Antonin Alis