Frère Charles Kapps, un frère simple et ordinaire


Il accueillait chacun avec un beau sourire, les deux mains levées. Chez lui, les gestes remplaçaient les paroles. Aussi fallait-il deviner ce qu’il ressentait tant il tardait à livrer ses secrets. Il se voulait un frère simple et ordinaire, celui qu’on appelait "Charry".

Il ne parlait pas souvent de son enfance au pays de Bade et de Fribourg-en-Brisgau où il est né en 1911. D’autant plus qu’à 9 ans, il fut placé dans un orphelinat et commença son apprentissage de jardinier à 15 ans. Et pourtant, c’est dans ce rude travail de la terre qu’il a appris à aller jusqu’au bout de ce qu’il entreprenait, et entrevu les "mystères de la nature où mon Dieu se cache" comme il aimait dire.

En 1933, fuyant le nazisme, il vient à Strasbourg accomplir son service militaire. En contact avec les Capucins de Koenigshoffen où il travaille comme jardinier, il entre au noviciat en juin 1938 à Sigolsheim, puis fait sa profession perpétuelle à Saint Étienne en juin 1941. Il est à nouveau mobilisé et servira en Corse. Il rejoindra ensuite le Couvent de Cognac en 1945, la fraternité de Chaumont en 1955 , St Nicolas de Port et finalement, en 1960, Hirsingue, nouveau couvent d’études où il sera encore jardinier et frère quêteur.

L’année 1965 est un tournant dans sa vie : à 54 ans, il se porte volontaire pour la petite fraternité en monde ouvrier qui doit se fonder à Mulhouse, dans le quartier Drouot : "A côté des pauvres, disait-il, on apprend plus que dans bien des noviciats !" Il travaillera quelque temps comme jardinier, puis sera embauché à l’hôpital du Hasenrein à Mulhouse, comme portier. Il y restera jusqu’à sa retraite en 1976.

Charles, très actif dans son quartier, s’engagera aussi dans le monde associatif, notamment en assurant durant de longues années des permanences au Foyer d’accueil de nuit pour les gens de la rue et en participant chaque année aux quêtes pour les aveugles et l’APF (Association des Paralysés de France). De même il restera, par choix et solidarité, dans le quartier du Drouot, jusqu’à son admission à la résidence Hansi à Bourtzwiller, en septembre 1996.

Durant 40 ans, il a fait partie du réseau des frères capucins, franciscains et des chrétiens en monde ouvrier, participant activement à leurs rencontres et à leurs partages : "Je porte ma faveur plutôt sur la contemplation que sur l’apostolat, confiait-il. Je crois que ma présence au travail, dans le quartier du Drouot, dans la rue, est un mystère. Mes sorties pour faire les courses, je les considère comme prendre le large pour regarder ce qui se passe dans les rues, les supermarchés…Ce sont mes milieux de méditation." – "Mon entourage musulman, je le respecte et je l’aime". Et souvent on le lui rendait bien !

En juin 2003, Fr. Charles sera admis en maison de retraite au Centre hospitalier de Mulhouse, avec l’aide de l’association des Anciens du Mönschberg, et l’accompagnement fraternel de ses amis, frères et sœurs tout proches, en particulier Marie-Claire, Jean-Pierre, Jean et Paul.
Il nous a quittés dans la nuit du 9 septembre 2005, dans la paix et la sérénité, comme il a vécu, dans une constante attitude de louange.

Ravissement de la louange, discrétion de la présence et du service, fidélité profonde à ceux dont ses choix de vie humaine et évangélique l’ont conduit à partager l’existence quotidienne, n’est-ce pas un visage parlant de ce que peut être notre vocation capucine aujourd’hui ? Quelque chose du Royaume y prend forme à jamais et c’est la source d’une joie que Jésus a voulu parfaite pour ceux qui lui emboîtent le pas.