Né le 22 juin 1925 à Pleugueneuc (35)
Noviciat le 02 août 1945
Ordination le 15 décembre 1953
Décédé le 11 juillet 2013
Né le 22 juin 1925 à Pleugueneuc (Ille-et-Vilaine), Eugène Merlet, après être passé au petit séminaire des Capucins de Dinard, puis d’Angers, est entré au noviciat du Mans le 5 août 1945 sous le nom de frère Pierre. Il y fait profession le 15 août 1946 et poursuit sa formation à Tours où il émet ses vœux perpétuels le 8 septembre 1949.
Arrêté par la tuberculose, il est soigné au Plateau d’Assy où naît sa vocation de « prêtre musicien » au contact de Maurice Duruflé, compositeur et organiste.
Après avoir achevé ses études à Blois, puis à Paris, il est ordonné prêtre le 15 décembre 1953, et s’oriente vers un ministère dans le monde musical suite à des cours suivis au Conservatoire de musique de Paris et aux cours d’orgue donnés par Mme Duruflé. La Province lui installe un piano et un petit orgue à la rue Boissonade où des jeunes musiciens viennent le rencontrer et s’exercer. Frère Pierre cherche alors à répondre aux problèmes des jeunes musiciens et les aide à se lancer. C’est la création de Pro Musicis en 1965 dont il fut longtemps le secrétaire général. Ce réseau d’échanges permit aux jeunes musiciens français de se faire connaître au-delà des frontières et aux jeunes musiciens étrangers de se faire connaître en France, en Italie, aux USA et jusqu’au Japon. En 1969, il ouvre aux États-Unis un comité américain qui soutient l’ensemble de son réseau et organise après chaque concert public deux « concerts de partage » donnés à titre gracieux chez des malades, des handicapés, des prisonniers.
En 2006, il peine à assumer ses allers retours en France et aux USA et cherche à élargir son activité. En 2011, sa santé l’oblige à rejoindre brièvement l’infirmerie d’Angers, puis la résidence Catherine Labouré à Paris.
Jusqu’à son dernier jour, il a été habité par le souci de l’association Pro Musicis qui aura été l’œuvre de sa vie pour laquelle il a bénéficié du soutien de bien des amis et de généreux mécènes. Hospitalisé le 10 juillet à l’hôpital Saint-Antoine, il y décède au soir du 11 juillet 2013, après une dernière visite du frère Provincial.
Il s’en est allé au son de la petite fugue en sol mineur de Jean-Sébastien Bach rejoindre les musiciens du ciel le 11 juillet 2013. Monsieur François Lafaye, président de l’Association Pro Musicis, raconte lors de ses obsèques à la chapelle Notre-Dame de la Paix de la rue Boissonade comment est né et s’est développée la grande œuvre de la vie de notre frère Eugène.
Merci à la Fraternité pour son accueil aujourd’hui, merci frère Hubert pour tout ce vous avez fait pour le père Merlet : pour votre soutien efficace et indéfectible au moment où il en avait le plus besoin.
Merci à vous tous, ceux qui honorez cette cérémonie de votre présence et à ceux qui, empêchés, m’ont prié de dire leur union en prière avec nous et avec le Père.
Je voudrais souligner aussi tout particulièrement la venue de ces grands artistes lauréats de Pro Musicis qui ont bien connu le Père et qui ont tenu malgré la distance, malgré les contraintes d’emploi du temps : Helena Winkelman de Bâle, la violoniste, et compositrice entre autres d’une œuvre dédiée à Pro Musicis et au père Merlet, la merveilleuse flûtiste Clara Novak, le professeur et flûtiste Michael Faust venu spécialement de Cologne, en duo avec Ilton Wjuniski le grand claveciniste.
Ah Père Merlet.... Parler de vous ? Non.
Je veux vous parler et je vais en profiter, maintenant que vous ne pouvez pas m’apporter la contradiction !
Il y a plus de trente ans, vous forcez la porte de mon bureau à New-York après avoir visiblement séduit Évelyne, ma très efficace et remarquable assistante. Encore un solliciteur, j’en refuse tous les jours.
Et je vous vois entrer, je ne me méfie pas de vous, si discret, si poli.
Mais peu à peu, comme tant d’autres, je tombe sous le charme : votre voix douce, un peu sourde, vos phrases courtes, sans épithètes, votre argumentation factuelle, presque austère, votre allure tranquille mais déterminée, votre présentation modeste mais affirmée, votre mine humble, mais formidablement persuasive, votre petite taille mais votre extraordinaire présence, votre air si ingénu mais votre regard si malicieux.
Vous me parlez de musique et partage : comment vous résister ? Vous voulez de l’aide pour voyager, je vous suis, ma société aussi, et le fera pendant longtemps... vous avez l’ambition magnifique de semer Pro Musicis partout dans le monde. Pour cela il vous faut le don d’ubiquité. Ma foi vous avez presque réussi. Paris, New York, tous les USA de New York à Los Angeles, Hong Kong, l’Italie, puis l’Europe, et tant d’autres projets, vous êtes partout à la fois... et parfois nulle part aussi !
Infatigable, jamais abattu, toujours inspiré, toujours encourageant, toujours optimiste oui je vous vois solliciter inlassablement, séduire les plus hauts personnages, accepter sans vous fâcher que si peu tiennent leurs promesses : "Oui, me dites-vous souvent, j’ai vu M. Untel, il va nous aider !" je vous réponds parfois : "ah, Père, si seulement un sur deux tient sa parole, ce n’est pas la Salle Cortot qu’il faudra pour les concerts publics Pro Musicis c’est le Stade de France"
Plus tard après les mille et un tours et détours de la vie, je vous retrouve en France.
Ah oui, en plus de Pro Musicis, il y a aussi votre autre rêve, faramineux, démesuré celui-là, ce projet artistique prodigieux et mirifique, ce songe fabuleux et surréaliste, ce centre artistique international. Mais quelle vision grandiose ne semble pas au départ un peu, voire complètement folle ? Oui vous me faites rêver Père Merlet, au début j’y crois à votre songe, nous sommes quelques-uns à tenter de vous suivre... Nous travaillons alors beaucoup ensemble...à Paris, à New York, pendant des mois ... et puis zut, nous nous cabossons le nez sur les dures réalités financières.
Pas vous qui avez le nez incassable, et y croyez toujours... entre nous, ah oui ça n’a pas été toujours facile. Je vous dis " Que "diable" vous faut-il de plus, Père, avec Pro Musicis vous avez déjà un aller pour le Paradis en Première classe, garanti"... Mais vous souriez imperturbable, quand je vous dis aussi parfois : "Père, vous nous faites tourner en bourriques, mais, venant d’une tête de mule, après tout c’est logique"... cela vous fait rire, mais pas changer d’avis..., mais comme tout cela est loin maintenant...
Mais combien ai-je appris de vous : votre exigence, votre souci intransigeant de l’orthodoxie de la mission, le choix des mots. Vous n’avez jamais renoncé – il y a peu vous nous parliez encore de vos projets... dès que ça irait mieux.
Persistance douce, irrésistible, peut-être pas de ce monde - qui sait ?
La preuve : je suis sûr qu’en ce moment, vous êtes déjà, entre deux visites à JS Bach, en train de tanner le pauvre saint Pierre. Comme d’habitude vous forcez sa porte. Je vois d’ici saint Pierre. Si j’ose dire, il lève les yeux au ciel, parce que vous vous êtes mis en tête depuis le Paradis d’organiser des concerts de Partage pour les défavorisés du Purgatoire. Pourquoi pas pour les détenus des enfers, pendant que vous y êtes ?
Père Merlet, est-ce un éloge funèbre ? Non, ce n’est ni un éloge et ce n’est pas funèbre
L’éloge il est ici : c’est celui des artistes, amis, présents ou tous ceux qui ont envoyé leurs messages.
Ce sont ces deux grandes artistes qui à l’annonce de votre départ vous ont publiquement dédié leur concert dès vendredi soir.
Ce sont les milliers de personnes depuis près d’un demi siècle qui ont écouté ces artistes avec admiration, avec joie non seulement parce qu’ils sont les meilleurs, mais aussi parce qu’ils sont inspirés.
C’est par vous, grâce à Pro Musicis que ces artistes ont découvert une dimension supplémentaire de leur art et qu’ils deviennent ce qu’ils sont. Ce qu’ils n’oublieront jamais.
Nous non plus, nous bénévoles, ce que nous devons à votre message, l’équipe Pro Musicis magnifiquement emmenée par Josée Caderas.
Ce n’est pas un instant funèbre non plus. Qu’il soit celui de la joie.
Là où vous êtes, le temps n’existe pas. Vous embrassez d’un seul regard passé, présent, futur, tous les publics du partage, depuis ce gardien de la prison des Tombes à New York qui vous a dit en 1969 : "Ce que vous avez fait là pourrait bien changer ces hommes"... jusqu’à cette petite fille handicapée qui nous a dit tout récemment " Moi cette musique ça me fait rêver".
Oui, Père lorsque que l’inspiration artistique est là, les hommes deviennent plus grands que leur destin. Vous plus qu’un autre peut-être. Merci Père de la part de ceux et celles qui ont grandi grâce à vous, de tous ceux qui ont trouvé un peu plus de sens à leur vie, dont je suis.
Merci de la part de ce détenu qui a dit : "Ah ben, si j’avais pas été en prison j’aurais jamais eu l’occasion d’écouter cette musique", de ces personnes âgées en larmes, ou au sourire angélique que contre toute attente l’artiste a éveillées de leur nuit...
Merci pour les étoiles que les artistes Pro Musicis ont allumées dans les yeux et le cœur de Céran, de Mariana de SOS VE, des petites Nelly ou Yann-Aëlle condamnées à perpétuité à leur chaise roulante, et de tant d’autres enfants et adultes.
Et ce n’est pas fini : vous êtes toujours là : à la minute exacte où je lisais le message m’annonçant votre départ, je recevais le feu vert enthousiaste pour un projet qui me tient à cœur : ces rencontres mensuelles avec une classe d’enfants handicapées, animées par une artiste Pro Musicis.
Et attention, Père, dans deux ans nous allons faire la fête. 50 ans de Pro Musicis cela s’arrose. J’espère que là-haut il y a du champagne, sinon je vous fais confiance, vous saurez bien vous évader une fois encore, venez le boire avec nous...
Et pour finir, je vais vous laisser la parole, avec ce qui parlera de vous mille fois mieux que moi : Jean-Sébastien Bach et la petite fugue en sol mineur : c’est vous Père, à l’orgue de l’église des Français à New York... un enregistrement que vous avez pris tout seul.
Et vous voyez, une fois encore, c’est vous qui avez le dernier mot.