Ayant vécu 23 ans dans le même diocèse de Berbérati (Centrafrique) que F. Roland et ayant été douze années durant son "Supérieur Régulier" (le responsable du groupe des frères missionnaires) , je peux faire ressortir, alors qu’il vient de nous quitter, quelques-unes des valeurs évangéliques qui ont guidé sa vie. Le qualificatif qui, à mon avis convient le mieux pour caractériser la vie et le caractère de Roland est le mot exigeant, voir même tenace. Une exigence en tout, même en amitié. C’est aussi ce qu’a retenu le Père Didier, un missionnaire des Missions Africaines de Lyon qui a bien connu Roland. en tant que procureur du diocèse : « Je garde de Roland, dit-il, le souvenir d’un homme qui a su, dans une vie exigeante et spirituelle, être proche des plus pauvres ».
L’exigence d’une vie missionnaire dans laquelle il pourrait se réaliser le mieux possible, est ce qui, sans doute, l’a poussé à prendre assez vite une forme d’indépendance dans le fonctionnement de sa vie missionnaire. Installé seul dans un village de brousse, appelé Bangou, il pourra y mener sa vie missionnaire telle qu’il la concevait, c’est-à-dire en vivant au plus près avec la population africaine afin de la servir le mieux possible.
Pour le service de l’évangélisation et de la vie chrétienne, il construira une chapelle, mais en menant de pair la construction d’un petit dispensaire pour venir en aide aux malades. L’amour du Christ devait, pour lui, se manifester non seulement dans l’annonce de la Parole de Dieu et la distribution des sacrements, mais aussi dans la venue en aide aux nécessiteux. Or en Afrique et tout particulièrement en brousse, les premiers nécessiteux sont les malades parce qu’ils n’ont ni docteur ni médicaments.
Durant les presque 37 années qu’il vivra à Bangou, il mènera de front ces deux soucis : être le pasteur de son Église, et soigner les malades. Pour dire vrai, le soin des malades l’a beaucoup accaparé. Il lui a fallu d’abord se former, et cela sur le tas en s’informant auprès de docteurs et s’aidant d’articles ou de livres. Quelle compétence n’avait-il pas acquise dans ce domaine de la santé au point qu’il pouvait discuter à arme égale avec n’importe quel docteur. Le gros livre servant de répertoire de tous les médicaments en service, n’avait plus de secret pour lui.
Mais pour faire tourner un dispensaire, il faut des médicaments. Il faut les trouver, les acheter et les amener. En somme il faut des finances. De l’argent, Roland sut sans peine s’en procurer. Homme de relation, il su se créer un réseau d’amis bienfaiteurs fidèles à qui chaque année, il envoyait une feuille d’information et ses vœux de bonne année. Ce réseau d’amis l’a soutenu au-delà de ses besoins, puisqu’il pouvait lui-même venir en aide à des organismes s’adressant aux plus démunis, principalement aux enfants dans le besoin. Jusqu’au mois de novembre dernier, il envoyait encore de petits chèques à plusieurs organismes d’aide ou de protection ce qui lui valait d’avoir le plus grand courrier de la fraternité. Des brassées d’enveloppes de demandes d’aide arrivaient chaque jour et c’est son ami Raphaël qui faisait le tri pour mettre à la poubelle les indésirables.
L’amour des enfants, les voir en bonne santé et éduqués a été le fil rouge des ses préoccupations. Il veillait à ce que l’école de Bangou fonctionne normalement. Quant le gouvernement ne payait pas son maître, c’est lui qui allongeait le salaire et fournissait le matériel éducatif. Non sans faire connaître aux autorités du coin son désaccord avec la situation de corruption qui se cachait certainement derrière ce non-financement.
Roland a aimé la compagnie des enfants. Chaque fois que l’occasion nous était donné de passer à sa Mission, nous y trouvions des enfants occupés à rendre de menus services. Au repas de midi, ils avaient leur table dressée dans la salle à manger à quelques pas de la table réservée aux invités de passage. « Laissez venir à moi les petits enfants » nous dit l’évangile choisi pour cette célébration, c’est ce qu’a fait Roland à Bangou à longueur de journée.
Roland a aimé sa vie de capucin missionnaire, il aimait d’autant plus retrouver la compagnie de ses frères capucins qu’il se trouvait souvent loin d’eux. Il ne manquait aucune des réunions faites à Berbérati et tenait à être au courant de la vie de notre Ordre. Il a vécu à sa façon son vœu de pauvreté. Bien que disposant de tout ce dont il avait besoin pour être efficace dans son travail et ne manquant surtout pas d’argent, Roland a vécu pauvrement. Il avait en horreur le gaspillage. Un centime gagné sur une boite de sardine était pour lui bon à prendre. Il menait une comptabilité très serrée, marquant toutes les sorties et entrées d’argent. Il voulait chaque année que son supérieur prenne connaissance de ses comptes et souligne par une signature qu’il en avait pris connaissance. Même revenu en France, il continuera à faire ainsi.
Roland a vécu une autre forme de pauvreté qui convient très bien à un fils de St François : l’humilité, il n’aimait pas qu’on parle de lui ; non seulement il ne se mettait jamais en avant, mais avait plutôt tendance à fuir toute manifestation, même religieuse qui aurait pu le mettre en valeur. Même dans les pires souffrances qu’il a traversées, il est resté discret, préférant se taire plutôt que de se plaindre. Nous le savions homme de Dieu, célébrant chaque jour l’eucharistie et disant son bréviaire, mais il le faisait le plus discrètement possible.
Merci frère Roland de nous laisser ce témoignage. Prie maintenant le Seigneur pour que nous soyons comme toi tenaces à vivre notre vocation de fils et de fille de Dieu.
F. René Beauquis
Annecy, le 6/12/2011