Georges Leray, au moment de la retraite, est parti vivre en Afrique centrale


Frère Georges LERAY est rentré en France après plusieurs années de présence au Tchad et en Centrafrique. Il vit maintenant dans une résidence de personnes âgées à Angers, à proximité du couvent.

Frère Georges, quand tu es arrivé à la retraite professionnelle, tu as choisi de partir en Afrique. Qu’est-ce qui t’a poussé à ce départ ?

Je suis parti en 1988. J’étais en retraite depuis 1985, mais j’avais des obligations : conseiller provincial et responsable de formation dans la province des Capucins de Paris.

Depuis longtemps je désirais vivre le contact avec le Tiers-monde, le monde des pauvres. Cette idée profonde était très liée à celle du départ au travail quand je suis allé rencontrer le monde ouvrier au Mans. C’était ma façon d’être présent au monde des petits. Et je me rappelle avoir eu une grande joie d’avoir fait ce choix. Je pensais qu’aller en Afrique, c’était la même chose : rencontrer des petits, des pauvres.

De fait, je suis allé passer deux mois en Afrique. J’y ai été accueilli par les frères Marie-André Pont et Marie-Dominique Grandin qui venaient d’ouvrir à la fraternité de Deli le noviciat pour le Tchad. Quatre Tchadiens commençaient leur noviciat. En arrivant, avec les Africains, les enfants, je me suis retrouvé comme chez moi, avec la même joie que sur la lande sarthoise. C’est une expérience spirituelle importante que cette décision du cœur confirmée par la joie. Je suis resté là deux mois.

A mon départ les frères m’ont dit : « Si tu veux revenir, tu as ta place ici. » J’ai fermé la porte de la fraternité du Mans. Le curé de la paroisse m’a emmené à la gare et me voilà parti pour l’Afrique. Tout heureux... Définitivement... !

Que retiens-tu de ta première découverte de l’Afrique ?

La rencontre d’un monde pauvre, d’un univers totalement différent… la simplicité, l’accueil, la fraternité spontanée des gens. Voilà ce qui m’a le plus frappé en arrivant. Et aussi de voir comment les frères s’intéressaient et se donnaient à la formation de frères africains. Également la simplicité de vie. Nous étions dans des cases disposées autour de la chapelle. L’ambiance de vie et de travail m’a beaucoup plu. C’est tout cela qui m’a parlé, qui m’a saisi.

Il y a eu aussi l’accueil de l’évêque. A ce moment-là, c’était notre frère Gabriel Balet (décédé depuis). Je lui ai dit que je ne venais pas comme missionnaire, mais pour vivre simplement en participant à la formation... « C’est peut-être une nouvelle modalité pour l’avenir » m’a-t-il répondu.

Quelques temps après tu deviendras maître des novices à N’dim, en République Centrafricaine !

L’orientation prise par les frères d’accueillir des frères tchadiens m’a donné à penser que cela valait la peine de donner sa vie pour que l’expérience franciscaine éclose sur le terrain. Nous avons eu beaucoup de difficultés, de tâtonnements dans notre cheminement. En effet, nous sommes arrivés à un moment où la situation était un peu bloquée pour bien des raisons.

Notre responsable du postulat est arrivé un jour en nous disant : « Voilà qu’il nous arrive des nouveaux frères tout à fait différents de ceux que j’ai vu jusqu’à présent. » J’étais devenu gardien de Koutou. Et avec le père Alain (du Québec), nous avons assuré ce postulat. A la fin de cette formation, nous avons établi des stages avec les pauvres, des lépreux et des handicapés pendant deux mois.

Ces deux années ont marqué une orientation, un désir de faire une formation très pratique et surtout en contact avec les pauvres. Il fallait décider ensuite que les frères partent en République Centrafricaine pour un noviciat commun avec les frères centrafricains. Je me suis donc retrouvé à N’Dim dans un très joli cadre pour un noviciat. Depuis 8 ans, ce lieu avait été abandonné. Nous sommes arrivés dans un chantier. Il fallait remettre les bâtiments et les choses en état pour rendre le lieu viable.

Nous avions six novices, deux Centrafricains et quatre Tchadiens. J’ai été assistant du père maître et gardien pendant deux ans.

Après bien des années de tâtonnements les bases sont posées pour une implantation de l’Ordre en Afrique centrale.

Le noviciat fini, il fallait penser à l’après-noviciat. Cela nous posait beaucoup de questions sur les lieux, la forme… Nous avions aussi en perspective la nouvelle province Tchad-Centrafrique. C’était l’occasion de beaucoup de réflexions et d’épreuves parce que beaucoup d’anciens frères africains sont partis ou décédés. Beaucoup d’entre nous baissaient les bras : « Est-ce qu’il ne faut pas d’abord implanter l’Église et penser ensuite aux vocations ?"

Dès le départ, il faut envisager que les frères en formation soient eux-mêmes déjà très engagés dans cette formation. Ce n’est pas le nombre de vocations qui compte, mais la formation intérieure.

En 2006 tu es rentré en France. Pourquoi revenir d’Afrique ?

J’ai plusieurs fois hésité. Chaque fois que je revenais en congé, il y avait des questions de santé. Je me disais toujours : si possible..., je retourne en Afrique ! Cette fois-ci j’avais quelques difficultés du coté des yeux et des oreilles. Je ne voulais pas être à charge pour les frères ou provoquer un rapatriement subit. Il m’a semblé préférable d’offrir simplement de rester en France, non sans regret, mais librement. Je me disais : le travail est bien engagé. Il faut faire confiance au Seigneur. C’est son affaire, pas la mienne..

Et tu as été en fraternité à Montpellier...

Quand on m’a demandé d’aller à Montpellier j’ai eu une réaction de surprise, car je ne m’attendais pas à revenir dans une petite fraternité, vu mon âge. Mais ce fut une agréable surprise d’arriver dans une petite fraternité et dans la cité des Cévennes. Je me suis trouvé bien en accord avec la mission de présence. Si j’avais eu un peu plus de courage j’aurais pu envisager un ermitage, mais cela peut se vivre bien simplement aux Cévennes.

Les frères m’ont agréablement bien reçu. Ils sont bien motivés pour cette implantation et cette vie fraternelle. Donc je n’ai qu’à rendre grâce au Seigneur pour cette décision. Là aussi, j’ai la joie de vivre l’obéissance. Le Seigneur ne trompe pas : Il est présent dans toutes les situations. Je suis content d’être là.

Et voilà que tu as été demandé pour participer à la formation des futurs missionnaires …

Il y avait à Bruxelles trois mois de préparation pour les jeunes missionnaires conventuels, franciscains et capucins qui partaient pour l’Afrique. On a demandé qu’un capucin fasse partie de l’équipe d’accompagnement. Je suis parti tout heureux de vivre encore une présence auprès de jeunes missionnaires. Il y avait quatre Capucins : un Malgache, deux Polonais et un Congolais, ainsi que quatre Franciscains et un Conventuel.

Cette expérience de fraternité internationale est très intéressante. D’abord parce qu’elle permet à la famille franciscaine de réfléchir ensemble à la mission. Nous avons eu des échanges et des cours intéressants. A Bruxelles, au « Chant d’Oiseau », vit la fraternité Notre Dame des Nations, une fraternité permanente internationale, avec un responsable brésilien et des formateurs croate, togolais, vietnamien et congolais. Nous avons également vu passer beaucoup de frères de différentes nationalités : Américains, Africains, Vietnamiens, d’Europe de l’Est...