Frère Bernard Rivière


A voir le site du frère Bernard sur Aristides Sousa Mendes
et frère Bernard sur wikipedia.

Célébration des funérailles de frère Bernard Rivière, le vendredi 13 décembre 2013
La célébration était présidée par frère Hubert Calas, ministre provincial

Homélie de frère Philippe Bachet

Chers amis et amies,
Chers frères,

Bernard n’a pas laissé de consignes pour les lectures à faire le jour de ses obsèques. Aussi les textes que vous venez d’entendre m’ont paru assez proches de ses convictions et de sa personnalité. Saint Paul dans l’épitre aux Romains affirme avec force Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? La détresse ? L’angoisse ? La persécution ? La faim ? Le dénuement ? Le danger ? Le glaive ?

Bernard disait sans cesse qu’il avait été heureux mais une certaine angoisse l’habitait notamment dans au cours de ces dernières années à La Cadène. Avait-il vraiment fait ce qu’il fallait, avait-il suffisamment rencontré celui pour lequel il avait donné sa vie ? Grand actif, il avait connu la tribulation dans ses engagements sans faille, notamment auprès des Portugais. Il avait défendu avec fermeté leurs droits et avait trouvé sur sa route des avocats redoutables. Il avait appris leur langue pour mieux les défendre. Il avait travaillé le droit du travail, ce qui lui permit de gagner de rudes batailles. Cela, il le faisait au nom de son engagement à la suite de François.
Il n’avait jamais eu peur de l’engagement, ce qui lui avait aussi permis de mener à bien la réhabilitation du Consul de Bordeaux Mendes de Sousa qui avait sauvé tant de juifs au moment de la guerre, figure qu’il découvrit à Bordeaux. Il s’était aussi intéressé au père Marie Benoît et en avait publié la biographie.

Toujours en avance, toujours hardi dans ses prises de position, ses missions et son travail pastoral à Bègles ne furent pas sans étonner les institutions et la hiérarchie ecclésiastique. Mais lorsqu’il s’agissait de défendre le droit, d’ouvrir l’Église sur les problèmes de précarité et de pauvreté, il ne ménageait pas sa peine ; C’est pourquoi nous pouvons dire aujourd’hui avec Saint Paul : Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur.

Le Christ était au centre de son action apostolique et malgré un caractère parfois surprenant il restait fidèle à l’idéal franciscain qu’il avait choisi de suivre. Le psaume 110 reflète un autre facette de cette personnalité multiforme : en effet ce psaume est à la fois louange rendue au Seigneur pour toutes ses œuvres et justesse de ses lois. Celles-ci sont droiture et sûreté, elles nous délivrent et nous apportent la sagesse. Bernard avait été baigné par un milieu artistique et il aimait l’art et la culture. En grande admiration pour son frère Jean-Marie Rivière (1926-1996), il aimait rappeler son parcours exceptionnel. Dieu n’est-il pas le grand artiste de la création ? Artiste à sa manière, Bernard aimait la nature et savait rendre grâce. Au sujet de l’artiste, je soulignerai simplement le fameux montage des diapositives en fondu-enchainé qu’il avait réalisé sur la mission du Tchad. Il avait su trouver à travers les plus belles photos des missionnaires tout ce qui faisait en fait le génie de la culture africaine.

Le Psaume rappelle aussi que la justice et la vérité sont œuvre des mains de Dieu. Bernard fut un ardent défenseur de la justice, de l’impérieuse nécessité du partage. Pour lui son engagement à la suite du Christ ne se remettait pas en question. Saint François restait le modèle incontournable et il aimait reprendre le Cantique du Soleil sans oublier d’y ajouter quelques touches personnelles.

Enfin l’Évangile de Jean au chapitre 6, ce chapitre qui se concentre sur le sens du pain de vie. Jésus vient de multiplier les pains, mais il faut en donner le sens profond. Alors Jésus surprend ses auditeurs par son discours : Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde... Moi, je suis le pain de la vie... Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde.

Bernard a partagé le pain, il était serviteur de l’eucharistie. Au cours de ces derniers mois, on le voyait dans la Chapelle de la Cadène passer de longs moments au cœur à cœur avec le Seigneur. Il me disait : je ne sais plus mes prières et pourtant il ne manquait pas de participer à l’Eucharistie tant que ses forces le lui permirent. Par ces moments de rencontre intérieure on comprenait que l’eucharistie avait bien habité sa vie. Et cet évangile vient nous redonner cette espérance que tout chrétien est invité à accueillir : Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.

A la fin de sa longue vie, Bernard avait hâte de rejoindre Celui qui l’attendait et c’est dans la paix que le Seigneur est venu l’accueillir. Lundi matin, je lui donnai pour la dernière fois le sacrement des malades et j’ai compris en lui tenant la main que désormais la sérénité et la paix l’habitaient. Aujourd’hui nous sommes rassemblés pour rendre grâce pour cette vie surprenante, riche, toujours ouverte. Combien d’anecdotes succulentes nous pourrions raconter. Il repose aujourd’hui dans la paix.

Mais je ne peux pas terminer sans vous citer ces quelques phrases écrites le 29 juin 2008 et qui nous ouvre bien sur sa personnalité complexe et engagée :
Depuis mes noces de platine de vie religieuse, je n’ai plus le droit à la parole... je vous expliquerai.., péché d’orgueil.., j’en conviens ! Mais qui croyait qu’au siècle XXI on pouvait rendre Gloire à Dieu, Notre Père. Ce Père rempli d’amour pour les petits, les pécheurs... voire des ’comédiens’ et des konards... Qui dans son grand Amour miséricordieux prend plaisir à se servir d’eux pour accomplir des Merveilles ! mais le temps presse... donc pas un sermon... mais au moment des intentions de prière... prier pour ce frère qui nous a quittés sans même nous dire ’A Dieu’ sans x, parce qu’il n’y en a qu’un.

Témoignage de Dominique Pacreau

A Bernard Rivière
J’ai vécu très longtemps avec Bernard et j’aurais d’innombrables anecdotes significatives à raconter d’une vie passionnée et passionnante. Qui l’écrira cette vie ?
Je voudrais, comme chacun d’entre nous remercier le Seigneur de cette rencontre avec lui et de la chance qui m’a été donnée. J’ai rencontré un homme, un frère, un ami, un religieux, un prêtre émerveillé devant la vie et en même temps blessé devant les souffrances et les injustices, prêt à mettre tout ce qu’il était au service des autres.
Je voudrais seulement partager deux réflexions suggérées par son histoire et son passage dans nos vies :
• La première est suggérée par l’homme engagé qu’il était, auprès des émigrés mais plus globalement dans tout un combat pour les plus petits de notre société. Comme saint François, il avait rencontré le lépreux qui a changé sa vie. Il découvre un jour qu’un travailleur portugais, Albano, a pu travailler pendant des mois sans être payé et mourir seul dans l’écroulement d’une tranchée. Les lettres que ce travailleur envoyait à sa femme restée au Portugal, leur densité, leur émotion ont été un tournant dans la vie de Bernard.
Les réflexions, les longs textes écrits (la nuit souvent), médités, priés, lui ont appris que la rencontre de Dieu, la vie avec Lui n’était possible que dans la mesure où on peut se situer quelque part dans une relation avec les déshérités. Des pages et des pages noircies, remplies de sa révolte et remplies de la vie des hommes ses frères… c’est qu’ils avaient rempli sa vie.
• Ma deuxième interrogation est à partir de l’artiste, l’homme de spectacle qu’il était. La mise en scène mais surtout le regard sur la vie. Il avait hérité du regard de François d’Assise qui savait que tout être, quel qu’il soit, est aimé de Dieu. Et ça, ça vous donne un drôle de regard sur la vie. Car ces frères, on sait qu’on peut les libérer, leur redonner confiance en eux, à condition d’investir dans la tendresse, la compréhension, l’amitié. Et la mise en scène devient combat, devient lieu de libération … on invente, on n’a plus peur de rien.
Si ton énergie, tes multiples idées quotidiennes, ton amitié nous ont rendus plus libres… merci Bernard !


Témoignage de Gérald Mendes

Un grand ami d’Aristides de Sousa Mendes nous a quittés
C’est un très grand ami de la famille d’Aristides de Sousa Mendes qui vient de nous quitter. Nous ne pourrons jamais oublier tout ce que le Père Bernard a fait pour honorer la mémoire de notre grand-père, avec tant de générosité et de courage.
Je l’ai rencontré au Portugal pour la première fois en 1995 lors d’un voyage de commémoration pour Aristides de Sousa Mendes à Lisbonne, et je dois dire que dès cette première rencontre, je fus très touché par son humanisme et sa grandeur d’homme.
Il fut l’un des premiers à honorer notre grand-père dès 1986, dans la région de Bordeaux, quand il a eu connaissance de l’histoire de ce Consul portugais qui délivra de nombreux visas à ces réfugiés qui fuyaient le nazisme et les SS en juin 1940. mais qui était donc ce portugais qui avait sauvé tous ces gens dans cette ville de Bordeaux et dont personne n’avait entendu parler ? Père Bernard enquêta, creusa le sujet, il en parla à l’émission de radio qu’il animait à Bordeaux, puis ensemble avec Manuel Dias et le Comité ASM qu’ils ont fondé, il y a eu tout ce travail de mémoire.
C’est aussi grâce à lui que nous avons rencontré ma demi-tante Marie-Rose, fille du second mariage d’ Aristides. C’est le père Bernard qui la présenta pour la première fois à son demi-frère, mon oncle Jean-Paul, puis par la suite aux autres membres de notre famille.
Enfin, je garderai le souvenir d’un homme combatif pour la cause des plus démunis ou des sans défense, toujours très engagé et d’une très grande sincérité. Quel bel home !
Cher ami Bernard, je suis très admiratif de ton œuvre et tu resteras toujours dans mon cœur et nous ne t’oublierons jamais.


Témoignage de Marie-Rose Faure Sousa Mendes

Cher Père Bernard,
Au moment où Dieu vous rappelle à lui, je veux vous redire ma reconnaissance pour la passion enthousiaste avec laquelle vous avez su faire connaître l’acte courageux et désintéressé du Consul portugais Aristides de Sousa Mendes, mon père.
Grâce à vous, et vos recherches, j’ai pu mieux apprécier ce sauvetage de dizaine de milliers de personnes et l’état d’esprit dans lequel mon père a pris sa décision alors que jusqu’à sa mort, il ne m’avait pas dévoilé cet acte.
Je n’oublierai jamais cette première rencontre à Bordeaux avec mon frère Jean-Paul et mon neveu Alvaro, rencontre voulue et organisée par vous et qui par la suite m’a permis de tisser des liens d’affection avec d’autres membres de la famille de mon père. A partir de ce moment-là ma vie a pris une nouvelle dimension.
Je veux une dernière fois vous dire toute mon amitiés, toute ma gratitude.
Au revoir, cher Père Bernard, mes prières vous accompagnent.
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Lectures pour la messe de sépulture du frère Bernard

De la lettre de Saint Paul aux Romains (8,31-38)

Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste : alors, qui pourra condamner ? Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous : alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? La détresse ? L’angoisse ? La persécution ? La faim ? Le dénuement ? Le danger ? Le glaive ? En effet, il est écrit :
C’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt, qu’on nous traite en brebis d’abattoir.
Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les Principautés célestes, ni le présent, ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur.

Psaume110

De tout cœur je rendrai grâce au Seigneur
dans l’assemblée, parmi les justes.
Grandes sont les œuvres du Seigneur ;
tous ceux qui les aiment s’en instruisent,
Noblesse et beauté dans ses actions :
à jamais se maintiendra sa justice.

De ses merveilles il a laissé un mémorial
le Seigneur est tendresse et pitié.
Il a donné des vivres à ses fidèles,
gardant toujours mémoire de son alliance.

Il a montré sa force à son peuple,
lui donnant le domaine des nations.

Justesse et sûreté, les oeuvres de ses mains,
sécurité, toutes ses lois,
établies pour toujours et à jamais,
accomplies avec droiture et sûreté !

Il apporte la délivrance à son peuple ;
son alliance est promulguée pour toujours :
saint et redoutable est son nom.

La sagesse commence avec la crainte du Seigneur.
Qui accomplit sa volonté en est éclairé.
A jamais se maintiendra sa louange.

Évangile de Saint Jean 6, 34-51

Ils lui dirent alors : ’Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là.’ Jésus leur répondit : ’Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. Mais je vous l’ai déjà dit : vous avez vu, et pourtant vous ne croyez pas. Tous ceux que me donne le Père viendront jusqu’à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors. Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui l’a envoyé. Or, telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.’
Les Juifs récriminaient contre Jésus parce qu’il avait déclaré : ’Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel.’. Ils disaient : ’Celui-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire maintenant : ’je suis descendu du ciel ?’. Jésus reprit la parole : ’Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit.
Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas.
Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde.’