nouvelles de République Centrafricaine


Frère Christophe, un demi-siècle en Centrafrique, nous parle de ce pays

Notre pays, la République Centrafricaine

Des informations précises dignes de foi circulent très difficilement sur l’état actuel du Centrafrique (et même sur son Église). J’essaie de vous les présenter par touches variées, énorme mélange de valeurs et de contre-valeurs.

1- Situation générale

La ville de Bangui, est une agglomération d’un million d’habitants qui s’étend sans cesse par l’afflux des provinciaux pensant y trouver leur bonheur !!
La réalité : un centre ayant allure et activités, avec un trafic d’une ville de 50000 habitants, moderne, avec toutes les activités administratives et commerciales. On y voit des investissements importants réalisés avec des aides étrangères.
- travaux d’amélioration de la ville, signe de la confiance étrangère dans la gestion de la mairie. Beaucoup de restauration de petites constructions et d’entreprises détruites lors des émeutes.
- de grandes constructions récentes : palace hôtel, deux hôpitaux chinois, un stade de 20000 places offert par la Chine, école turque, stations Total, etc, etc...

A côté de cela, jusqu’à 12 kms du centre, des quartiers traditionnels améliorés, abritant très pauvres et aussi très riches ; c’est là que se passe toute la vie économique populaire de la ville dans une cohue de centaines de milliers de gens de toutes origines et de tous métiers.
On sent bien que les crédits viennent d’ailleurs avec quelque effet bénéfique sur l’emploi et sans doute une volonté des donateurs de placer leurs pions dans le pays.

Le reste du pays... indicible en une page... quelques avancées...
- une certaine sécurité (avec quelques régions dangereuses dans l’est du pays) ce qui ne veut pas toujours dire une facilité et une liberté de circulation ;
- un niveau de vie très précaire ... de subsistance, aidé par des milliers de petits commerces, sur le bord de la route, mais tout à fait insuffisant pour une vie normale.
Même à Bangui, il y a un problème de la faim, de la malnutrition : un seul repas par jour, c’est courant !
- une avancée : après des années sans salaires, depuis quelques mois,les fonctionnaires titulaires semblent percevoir leur mois de salaire (restent beaucoup d’arriérés) ; mais pour les intervenants, vacataires, remplaçants, temporaires en tous domaines, le salaire, c’est « quand c’est possible... »
- en province, depuis quelques mois, un peu partout, commencent des réalisations dans les petits centres, sur des routes secondaires, mais les élections présidentielles, législatives et municipales approchant, peut-être y-a-t-il un lien avec ces initiatives ???

2- Ce qui nous semble être les grands problèmes du pays

(Je n’aborde pas les problèmes politiques qui semblent malheureusement trop souvent liés à des questions de personnes ou de groupes...)

- 1 - L’avenir des jeunes : 60% de la population a moins de 25 ans.

Si on veut préparer et essayer de sauver l’avenir, le problème le plus important est celui d’une véritable école pour tous les jeunes. Actuellement la minorité des nantis peut avoir une école correcte. Pour la majorité, c’est souvent la misère : pauvreté en équipement (livres notamment), surnombre, personnel ni compétent ni motivé (il n’est pas payé) et surtout manque d’objectif. A quoi prépare l’école ? Quel avenir pour les diplômés ? Massivement, c’est le chômage, la déception... et ses suites.

Le privé, en particulier les Églises (dans notre diocèse 4000 élèves dans des écoles villageoises, maternelles, primaires, secondaires) propose des écoles aux conditions normales, en tentant aussi d’ouvrir des chemins nouveaux et adaptés à la réalité du pays. Par exemple, on propose à des jeunes et on les prépare à faire l’expérience d’un avenir « rural » organisé et adapté à notre région : terres, soleil, eau abondent et 5% des terres cultivables sont exploitées... un avenir est possible. ...avec les aides modestes que promettent les grands pays pour éviter une crise alimentaire mondiale... et une crise tout court !

- 2 - La santé : situation inquiétante

Les grands fléaux sont le paludisme (encore première cause des décès) le sida (bien que d’importants efforts soient faits au niveau national : prévention, luttes, médicament plus accessibles... et accompagnement des malades) la tuberculose collatérale au sida et la malnutrition.

Les Églises sont très investies dans tous ces problèmes. La médecine moderne trop couteuse est un peu à la portée des nantis mais pour la masse des Centres de santé, les moyens et personnels compétents sont très déficients.

- 3 - L’économie

On ne parle pas encore de pétrole... mais peut-être ! En attendant, quelques secteurs pour personnes ou sociétés privilégiées : les bois tropicaux (des dizaines de camions chargés de fûts quittent le pays chaque jour), le diamant... mais quelle retombée sur le citoyen de base ? quelques projets forestiers montés par des sociétés étrangères (Afrique du Sud), AREVA, une tentative de bio-carburant stoppée par la FAO comme étant un obstacle à la production alimentaire locale. Le frein à une exploitation agricole est l’éloignement de la mer (le premier port est à 1500 kilomètres) et l’absence de circuit commercial pour des échanges à l’intérieur du pays.

Heureusement la masse des cultures vivrières familiales assure en gros la survie de la population.
Mais la pauvreté du monde rural n’étant pas apparemment le premier souci des responsables du pays pas plus que l’avenir « possible » des jeunes, nous essayons très modestement, de proposer et démarrer quelque chose sous forme de ferme-école, association de 25 familles de cultivateurs, inspirée des Maisons familiales rurales, formule qui intéresse ceux qui veulent faire quelque chose.

Finalement, ce qui pèse sur l’avenir de notre pays, ce sont :
- les problèmes de nos voisins : Tchad, Soudan RD Congo ;
- l’avancée de l’Islam, modéré mais qui place ses pions un peu partout ;
- le fait que la RCA ne soit pas fille-héritière d’une ancienne civilisation porteuse d’une organisation politique ayant une expérience nationale comme d’autre pays d’Afrique ;
Le pays fonctionnait en s’appuyant uniquement sur des usages locaux, traditionnels et fondés sur des valeurs réelles mais ce système a explosé au contact de la modernité mondiale, inévitable et il n’a pas trouvé encore un véritable équilibre, de vrais valeurs pour le bien de l’ensemble. L’idéal pratique actuel, le but, c’est le profit le plus immédiat et le moins contraignant possible pour essayer de sortir de la misère et vivre humainement.

Il reste beaucoup de travail à faire dans tous les domaines.