A propos du livre de Aloyse Kriegel, "Ils ont tous un visage d’homme" [1]
(...) j’ai pu me plonger dans un livre que je vous engage à découvrir à votre tour. « Autobiographie », nous dit le sous-titre. Mais si nous rencontrons l’auteur, nous rencontrons, bien plus encore, tant de visages d’hommes qui sont visage du Christ .
L’auteur est un frère capucin originaire du pays de Bitche (Moselle), qui, deux ou trois ans après son ordination, fait le choix d’un travail salarié afin d’être au plus près des réalités humaines ; moins par idéologie que par conviction évangélique et franciscaine, si j’ose dire.
Ce petit livre nous offre une galerie de rencontres, du professeur de médecine à l’homme le plus abîmé par la vie. « Ils ont tous un visage d’homme » : tel est le titre du livre, telle est sans doute sa caractéristique première. C’est toujours l’homme que nous sommes invités à rencontrer. Et c’est cette rencontre qui nous enrichit.
La carrière professionnelle d’Aloyse Kriegel se déroule dans le milieu hospitalier (Nancy, puis Strasbourg). Il y découvre des conditions de travail souvent ingrates, mais aussi la solidarité dans le monde du travail. « J’ai compris que vivre au quotidien mes engagements, dans un rapport étroit avec ceux qui luttent envers et contre tout, qui ne se résignent pas, être solidaire des minorités, des exploités, des meurtris de la vie, des insoumis ou révoltés, était ma réponse à l’appel de l’ évangile. Et n’est-ce pas là la traduction en actes de l’appel à l’amour universel de François d’Assise ? »
En 1995 s’ouvre devant lui la retraite. En trois très belles pages, Aloyse évoque, devant ses amis, le parcours qui a été le sien. Ce n’est pas pour s’arrêter, mais pour rejoindre l’équipe de Médecins du Monde. Il y poursuit, sous des formes différentes, le service de l’homme.
Ici aussi, difficultés de la rencontre : l’autre fuit, se cache, se révolte, mais parfois une transformation se fait. « Vivre le présent sans retenue, c’est à dire sans fuir en permanence, en se tournant vers un passé qu’on regrette, ou en se projetant vers un avenir qui tarde. Accepter le présent revient aussi à accepter l’imperfection présente avec son goût amer d’inachevé, les échecs et l’impuissance, les fêlures et les failles, les vides des temps morts. Tous ces travers de la vie sont un appel vers l’inattendu. S’accorder aussi des moments de repos et de solitude : ils nous permettent d’ajuster nos rêves à la réalité. L’agitation, la frénésie et l’éparpillement ne mènent nulle part. Ils effleurent la vie et empêchent de savourer le quotidien… »
« La véritable question est : Qu’est-ce qui me fait vivre ? Qu’est-ce qui me fait vivre debout ? Vivre debout et responsable, n’est-ce pas assumer notre destin commun et tenter de le « vivre ensemble » ? Et viennent alors trois belles pages sur l’aventure du pain ; des pages qui ne se résument pas.
Dans une dernière partie, l’auteur évoque ce que, tout jeune, il a connu de la guerre : évacuation, renvoi d’un lieu à un autre, perte de tout ce qu’on a… Cela aussi l’a préparé à la rencontre ; il avait tout perdu, il avait les mains vides, il pouvait accueillir.
Lisez ce livre, il vous fera du bien.
Frère Marc Fabre, ofm
Villeurbanne
Voir aussi sur notre site, de ou à propos d’Aloyse : "Frère" au travail, une expérience et un engagement, Rencontre aux frontières de l’humanité et Au service des éclopés de la vie