Partage d’une tranche de vie

Accueil des personnes en grande précarité


Alain NOËL, après avoir participé à l’activité de divers centres d’accueil ("Jéricho" et maison Saint Louis", dans la diaconie du Var, à Toulon, "Tremplin" à Bourg en Bresse, "L’oasis" à Roman, est aujourd’hui bénévole à la Halte Solidarité" de Montpellier, centre tenu par le Secours Catholique et St Vincent de Paul ( petit déjeuner, douches, accueil, orientation, soins de santé, colis alimentaires...)

Voilà bientôt 35 ans que je côtoie les personnes en grande difficulté sociale (handicapés physiques, mentaux, sortant de prison, alcooliques, toxicomanes...) La plupart d’entre eux cherchent plus ou moins consciemment un sens à leur vie. Trouver ou retrouver le goût de vivre, ne pas sombrer dans la désespérance, surmonter les épreuves qu’ils ont subies et qui les marquent profondément. Comment combler le grand vide que laissent l’absence d’une famille, de vrais amis, des occupations que l’on aime, du travail, un logement ?...

Ce vide, ces longues journées qu’il faut affronter, l’alcool, la drogue les y aident, ainsi que les copains et la rencontre des bénévoles et salariés des associations qui les accueillent... autant d’appuis qui permettent d’exister

Huit heures, ce matin là : l’accueil de jour ouvre ses portes. Jean Yves, un habitué de la Halte, le visage enflé, avec des bleus, des plaies, du sang séché, pénètre dans la salle d’accueil en se tenant au mur. Il s’assoit sur la première chaise qui se présente. Il éclate en sanglots, il a été agressé cette nuit dans son "squat" ; on lui a volé son sac avec ses papiers et son argent

Je voudrais simplement vous partager ce que m’a apporté la fréquentation de ces personnes.

Au début, je me suis senti testé et cela n’est pas agréable du tout ! Il m’a fallu du temps pour apprendre leur "langage", leurs comportements souvent déroutants. Temps d’apprivoisement, de compréhension, de discernement pour que je sois à mon aise avec eux en adoptant une attitude qui leur convienne le mieux possible. Savoir écouter avec patience sans juger, comprendre sans avoir de réponses, cela n’est pas chose facile. Savoir contenir la violence verbale et parfois physique de personnes en gardant son calme demande beaucoup d’expérience.
Au bout de tant d’années passées avec eux, j’ai partagé (autant que l’on puisse partager...) beaucoup de peines et de joies vécues par ces personnes que je considère vraiment comme des frères et sœurs que Dieu aime. Mais que de souffrances ! que d’épreuves ! Pourquoi ?
Au milieu de toutes ces interrogations, j’ai progressé dans la sérénité face à ces frères et sœurs dont la vie est chaotique. Si je suis parfois perturbé par telle ou telle situation, je garde toujours une paix profonde et ma confiance en Dieu. J’aimerais tellement que tout le monde soit heureux de vivre, comme moi-même je le suis. Je me sens énormément privilégié et redevable envers Dieu et tous mes frères et sœurs.
Je vous invite à prier particulièrement pour ces personnes dont la vie est dure. Et si vous le pouvez, accordez leur un peu de temps pour les écouter. Merci !

frère Alain Noël