Dans un discours prononcé le 17 octobre 2015 à l’occasion des 50 ans de l’institution du Synode des évêques, le pape François a affirmé sa vision d’une Église à l’écoute de la foi des fidèles et dont la synodalité [1] irrigue la prise de décision. Le pape promeut un mode d’exercice de l’autorité dans l’Église qui est fraternel. Il se situe ainsi dans la logique de la constitution conciliaire sur la Révélation Dei Verbum (n°2 : le Dieu invisible s’adresse aux hommes en son surabondant amour comme à des amis, il s’entretient avec eux pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie) et de l’encyclique de Paul VI Ecclesiam Suam (L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l’Église se fait message ; l’Église se fait conversation (n°68)).
L’Église, en effet, est fraternité en Christ. (Je pense qu’on peut sans doute parler d’une Église-famille, comme on le fait en Afrique, mais à la condition de ne pas oublier que Jésus relativise la famille. Renversement de l’Évangile : la famille trouve ses fondations dans la fraternité universelle inaugurée dans le Christ, premier-né d’une multitude de frères. (Rm 8, 29). Jésus vient, et tous les hommes sont frères, la fraternité est le nom de l’assemblée de ceux qui suivent Jésus). "L’idéal de la fraternité n’est pas l’uniformité. L’idéal de la fraternité n’est pas la paternité, je veux dire, le rangement de tous sous l’autorité d’un seul. L’idéal de la fraternité est la communion, le culte de la différence et de l’accueil de ces différences. La fraternité est jouissance du différent. Sans unité, pas de fraternité certes, mais sans diversités, pas de fraternité non plus." (Patrick Royannais)
En un temps où des décisions urgentes doivent être prises au niveau mondial à propos de la lutte contre le réchauffement climatique, en un temps où il faut s’entendre, une Église qui est fidèle à sa vocation d’être une fraternité, peut être un signe d’espoir pour ceux et celles qui désespèrent de faire entendre leur voix parce que trop pauvres, un signe d’espoir pour ceux qui trouvent que les malentendus empêchent la recherche de la vérité.
Quelques extraits de ce discours du pape François, qu’on peut lire ici dans son intégralité :
Le Synode des Évêques est le point de convergence de ce dynamisme d’écoute mené à tous les niveaux de la vie de l’Église. Le chemin synodal commence en écoutant le Peuple qui « participe aussi de la fonction prophétique du Christ » selon un principe cher à l’Église du premier millénaire : Quod omnes tangit ab omnibus tractari debet [2]. Le chemin du Synode continue en écoutant les pasteurs. A travers les pères synodaux, les Évêques agissent comme d’authentiques gardiens, interprètes et témoins de la foi de toute l’Église, qui doivent savoir discerner avec attention parmi les mouvements souvent changeants de l’opinion publique.
La synodalité, comme dimension constitutive de l’Église, nous offre le cadre d’interprétation le plus adapté pour comprendre le ministère hiérarchique lui-même. Si nous comprenons que, comme dit saint Jean Chrysostome, « Église et Synode sont synonymes » – parce que l’Église n’est autre que le « marcher ensemble » du troupeau de Dieu sur les sentiers de l’histoire à la rencontre du Christ Seigneur – nous comprenons aussi qu’en son sein personne ne peut être « élevé » au-dessus des autres. Au contraire, il est nécessaire dans l’Église que chacun s’« abaisse » pour se mettre au service des frères tout au long du chemin.
Jésus a constitué l’Église en mettant à son sommet le Collège apostolique, dans lequel l’Apôtre Pierre est le « rocher » (cf. Mt 16, 18), celui qui doit « confirmer » les frères dans la foi (cf. Lc 22, 32). Mais dans cette Église, comme dans une pyramide renversée, le sommet se trouve sous la base. C’est pourquoi, ceux qui exercent l’autorité s’appellent « ministres » : parce que, selon la signification originelle du mot, ils sont les plus petits entre tous. C’est en servant le Peuple de Dieu que chaque Évêque devient, pour la portion du Troupeau qui lui est confiée, vicarius christi, Vicaire de ce Jésus qui, à la dernière Cène, s’est baissé pour laver les pieds des Apôtres (cf. Jn 13, 1-15). Et, dans un tel horizon, le Successeur de Pierre n’est rien d’autre que le servus servorum Dei.
Ne l’oublions jamais ! Pour les disciples de Jésus, hier, aujourd’hui et toujours, l’unique autorité est l’autorité du service, l’unique pouvoir est le pouvoir de la croix, selon les paroles du Maître : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut parmi vous être le premier sera votre esclave » (Mt 20, 25-27). Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : dans cette expression nous rejoignons le cœur même du mystère de l’Église – « Parmi vous il ne devra pas en être ainsi » – et nous recevons la lumière nécessaire pour comprendre le service hiérarchique.
F. Dominique Lebon