Frère Constant, une vie de missionnaire


Le Frère Constant vit aujourd’hui à la fraternité d’Angers. Il y a quelques années, alors qu’il était encore en Éthiopie, il a raconté son parcours.

Fr. Constant, peux-tu rapidement nous retracer ton histoire ?

Je suis né à Vieuvy une petite commune dans le nord de la Mayenne. Quand j’étais petit Je voulais devenir prêtre. Surtout après ma communion solennelle. Un jour, j’ai rencontré un prêtre qui m’a conseillé de rentrer au collège du Sacré-Cœur à Mayenne. Mais l’étude du latin’ dissuadé de continuer ! Alors ce prêtre qui était tertiaire de St François, m’a a parlé des capucins du Mans qu’il connaissait. Au bout de quelques jours j’ai choisi d’aller au Mans. J’avais entendu parler en bien des capucins pieds-nus qui étaient venus prêcher une mission à coté de chez moi. Cela avait retenu mon attention et m’a décidé à aller faire une retraite de 8 jours chez les capucins.

Au bout de 8 jours le P. Grégoire, le maître des novices, me dit : pourquoi ne resteriez-vous pas ici avec nous ? Je lui répondis : Je veux bien, ça me plaît. Mais je n’ai pas prévenu mes parents ! Ça ne fait rien, on va les prévenir ! Ce qui fut fait sur le champ. Mon curé alla prévenir mes parents qui furent bouleversés de ne pas revoir leur fils qui n’avait que 15 ans !
Un mois plus tard j’ai pris l’habit pour Un an de postulat suivi d’un an de noviciat
Après cela je suis allé à Tours comme aide cuisinier. Mais après quelques semaines le Fr quêteur fut mobilisé pour la guerre. On me demanda de la remplacer. J’avais 17 ans ! Ce fut un dur apprentissage. Je ne me sentais pas sûr de moi, surtout à partir de l’occupation. Il m’est souvent arrivé de frapper sans le savoir à des maisons habitées par les allemands.... Aucun ne m’a donné d’aumônes...! Ils étaient partout.
Je me rappelle la période des bombardements. Je conserve le visage d’un homme qui réparait sa maison et qui venait de perdre sa femme, sa belle-mère et ses 5 enfants... et qui me disait Dieu me les a donnés et me les a repris. Je me rappelle aussi du village de Maillé où j’allais souvent et où tous les habitants furent massacrés et brûlés dans l’église...

Après la guerre, j’ai été nommé portier au Mans puis cuisinier en Belgique, puis je suis revenu à Tours , de nouveau comme quêteur avant d’aller dans le nord, Calais, Cambrai, toujours comme quêteur.

C’est à ce moment, en faisant la quête pour les missions que petit à petit m’est venu l’idée que je devais partir, moi aussi, en Mission, pour être plus utile. J’ai été Quêteur une vingtaine d’année ! J’en ai fait des Kilomètres en vélo

Constant quand es-tu parti en Mission ?

En 1962 , mes supérieurs m’ont en fin autorisé à partir en Ethiopie. Mais avant j’ai passé mes permis de conduire. J’ai fait le voyage en bateau. Il m’a fallu 8 jours pour aller de Marseille à Djibouti.
Arrivé là-bas, ce fut horrible à cause de la chaleur. Je ne pouvais pas dormir. Je me demandais ce que j’allais devenir. Puis je suis parti en train en Éthiopie, accompagné d’un prêtre du pays. Arrivé à Diré-Dawa je pus constater que le temps y était agréable. L’accueil fut chaleureux. Mais je poursuivis ma route pour aller saluer Mgr Person qui m’envoya sur- le- champ à Gambo dans une léproserie où il y avait le P. Bruno qui parti le lendemain pour une semaine. Me voilà donc seul , ne parlant pas un mot de la langue du pays, avec des lépreux. Comme mise en route ce fut brutal...! Je m’y suis bien habitué, même si au début la vue et surtout les odeurs m’indisposaient beaucoup. Je suis resté Un an à la léproserie.

Après cela, on m’a mis au service de la procure de la Mission avec le P. Symphorien au début et seul ensuite. Il y avait un gros travail de commandes, d’achats... Et ensuite il fallait tout trimballer dans les différentes missions, et il y en avait beaucoup. Dans un territoire qui était aussi grand que la France..! mais sans les routes ! Nous avions beaucoup d’écoles de dispensaires qu’il fallait équiper, nourrir... J’ai fait cela jusqu’en 1970.
A cette époque, des capucins Italiens sont venus nous aider. Nous les français, nous nous sommes repliés dans le Hararghe où nous sommes depuis. C’est un territoire plus petit.
A ce moment j’ai été nommé à Asba Tefari où j’ai participé à la construction d’une nouvelle mission tout en faisant l’intendance. J’ai fait un moment aussi à Dire-Dawa. que j’ai quitté pour m’installer à Addis-Abeba, la capitale. J’étais responsable de la maison d’accueil des frères. J’y ai tissé beaucoup de liens...

Comment vis- tu avec les Éthiopiens ?

Je les trouve très sympathiques et très serviables. J’ai souvent été en panne, seul dans la brousse. Eh bien, à chaque fois j’ai toujours eu de l’aide. Chez eux, ils donnent tout ce qu’ils ont, couverture, nourriture...

Comment sont les communautés chrétiennes là-bas ?

J’ai beaucoup regretté de quitter le Kambatta et le Wolaïta. Là-bas nous avions des communautés très vivantes , dynamiques, ferventes...! Dans le Hararghé, c’est plus rude. La population est plus mélangée . La majorité est musulmane. Mais les communautés vivent bien quand même. Il y a de plus en plus de vocations.

Constant, quel est ton meilleur souvenir de Mission ?

Ce sont mes premières années dans le Kambatta. C’était très joyeux. Les communautés croissaient vite. Et puis j’étais plus jeune !
A Harar, où je suis maintenant, Il y a 98 mosquées pour 100 000 habitants ! L’islam est très présent, ainsi que les orthodoxes.. Il y a peu de catholiques. Nous avons de bons contacts avec les orthodoxes, même si dans les grandes villes c’est un peu plus dur.

Quel est votre lien avec les musulmans ?

Le P. Émile rencontrait beaucoup de musulmans. Et il est mort à Djibouti, ce sont eux qui ont réclamé son corps pour qu’ils puissent le vénérer.

Fr. Constant qu’est-ce qui t’a fait le plus souffrir là-bas ?

C’est la période de la Révolution à Addis Abeba. Il y a eu des milliers de morts. Tous les jours quand j’allais à la messe le matin je trouvais des cadavres, des jeunes... C’était terrible. Aujourd’hui j’espère que la paix va s’installer. Mais les risques sont toujours présents. Les ethnies sont si nombreuses !
Il y a 2 ans j’étais dans un avion qui a été détourné. J’allais de Diré-Dawa à Addis et on s’est retrouvé à Djibouti. Dans l’avion, il y avait 3 pirates de l’air avec des fusils, des grenades... J’en frémis encore !

Qu’est-ce que c’est « être missionnaire » pour toi ?

C’est bien sûr, enseigner l’Evangile, mais c’est surtout : être près des pauvres. Il faut être à leur écoute. Ils nous apprennent beaucoup. Je veux vivre le plus possible auprès d’eux. Je me sens souvent faible et désarmé devant la misère. J’essaie de partager leurs souffrances. Je vis dans un quartier très pauvre et je me pose souvent la question du témoignage que je donne ! Même si je ne peux pas faire grand chose, j’essaie de les aimer et cela ils le savent et nous le rendent bien ! Je me sens bien parmi eux .
La prière aussi est essentielle. Nous ne pouvons partager que notre amour de Dieu.